Bastien
Tu n'échappera pas au portrait que je dresserai de chacun d'entre vous, mes enfants, mes hommes, au fil du temps qui passe et fait de vous de si belles personnes et me rend chaque année un peu plus fière de notre pudique complicité...
Tu es né rond et doux, un immense sourire est très tôt venu illuminer ton visage, faisant gonfler et rougir les deux pommes fruitées de tes joues, que je dévorais goulûment, sous tes éclats de rire.
Tu as été un bébé jovial, heureux, un dévoreur de vie, un petit ogre tendre qui aimait tant manger qu'il en gloussait de plaisir à la découverte de chaque nouvelle saveur. Ce goût des délices de la table ne t'as jamais quitté et chaque repas familial prend des allures de joyeux pillage, de rafle organisée avec ma bienveillante complicité et l'aide non négligeable d'un frère tout aussi affamé.
"J'ai faim, qu'est-ce qu'on mange? On peut faire l'apéro?"
Puis tu repars, repus, une biasse bien remplie d'amour et de victuailles, pour "tenir" jusqu'à la prochaine fois.
Tu as perdu les rondeurs de l'enfance, à se demander comment quelqu'un de si filiforme peut tant engloutir, ton sourire t'as parfois quitté, au sortir de l'enfance, en ces moments fragiles ou l'on bascule, sur le fil, vers le monde adulte, à en perdre l'équilibre. J'ai eu peur, j'ai veillé, discrète et vigilante, puis ton visage s'est à nouveau illuminé, le regard d'un jeune homme tout neuf s'est posé sur le monde, sérieux, réfléchi, tellement adulte, déjà...
Tu ne m'échappe pas, puisque je ne t'ai jamais possédé, tu vas ta route, sans jamais oublier le sillon tracé, sans renier ni trahir ce qui t'a été transmis: de l'amour, rien que de l'amour, un point c'est tout.