seule
Petite, elle allait à l'école comme on va à la guerre, la peur au ventre, la rage au coeur, les poings serrés.
Plus tard, même combat, la violence de l'adolescence en plus. Elle cognait la grisaille des murs à grands coups de tête, pour y trouver les barreaux cachés, elle n'était pas duppe, elle ne valait rien. Il lui semblait qu'il suffisait d'y croire très fort pour ne pas exister, mais sa différence la rendait trop visible et le vent ne balayait pas ses regards affolés.
Elle avait renoncé à se fondre dans la masse, et pourtant elle se rangeait sagement au coup de sifflet, soulagée d'être enfin délivrée de la récréation, du regard suspect ou condescendant des autres, de leur curiosité malsaine à son égard, de se besoin qu'ils avaient de se rassurer de n'être pas comme elle.
Elle avait fini par connaître un semblant d'intégration, à force d'efforts, à s'oublier un peu plus dans la conformité.
On avait même fait d'elle, en son temps, une des coqueluches du collège, elle plaisait, quoiqu'elle en croit, il était de bon ton de faire sa conquète, d'autant que l'enjeu fut délicat, elle ne croyait en rien à ces jeunes garçons si faux d'empressement, et les repoussait, la plupart du temps, sans même en avoir conscience.
On se lassa d'elle dès qu'elle eu trop de peines pour écouter celles des autres, elle fut à nouveau seule et la pluie sur ses joues eut à jamais le goût de l'amertume.
Peut-on transmettre ses chagrins d'enfant, se demande-t-elle aujourd'hui, pourquoi faut-il prendre perpet pour n'avoir pas su prendre, le premier jour de la première rentrée, le chemin sans vague des écoliers.
Se peut-il qu'il souffre autant qu'elle a souffert? sa vie s'entacherait alors de regrets coupables, et elle n'a pas le droit à cette erreur, pas une encore...
Une guerrière abandonique, une guerrière quand même, elle a , après tout, gagné d'autres combats. Je voudrais coire en elle, si, par hasard, nos destins se croisaient.