Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les mots de MEL
12 octobre 2011

"Mâdame promène son chien..."

Elle s'est entichée de moi, je n'ai pourtant rien fait pour...je viens de la ville, c'est sans doute important pour cette grande bourgeoise de Province. Et puis, surtout, je suis un peu moins bête que la bonne, qui a à peu près mon âge. Une grosse fille, courte sur pattes et stupide, d'une inculture et d'une bêtise que je n'osais soupçonner. Moi, j'ai amené quelques uns de mes livres indispensables: quelques poètes, Breton, Appolinaire, Beaudelaire, Vian et aussi Garcia Marquez pour lequel j'ai une véritable fascination, et puis d'autres encore, "les Hauts de Hurlevents", lus et relus, me croyant l'âme de la fantasque Kathy, Jane Eyre, dont l'histoire hantais mes nuits, et puis, et puis...tout ce que j'avais pu charrier dans un gros sac à dos de l'armée qui me sciait les épaules et les reins, donc bien peu de choses, au final.. Sans gène et sans vergogne, Mâdame s'était permise un petit tour d'inspection dans ma chambre, y avait découvert mon goût pour la lecture et je fus conviée, séance tenante, à motiver mes choix. Une bergère, pensez!

J'ai bien vu que ça l'avait un peu contrariée, elle ne pouvait pas me traiter aussi rudement que le reste du personnel, et m'avait déjà tancée pour mon aptitude à me rebiffer.

Corinne, oui je me souviens, c'était Corinne; la bonne, était avec le berger (mais c'est un autre histoire) ma seule compagnie.

Lorsque je rentrais, éreintée, aux heures des repas, j'avais en face de moi ce faciès de lune, docile, soumise, et sans aucune conversation. Les repas me semblaient interminables, accompagnés par un poste de radio beuglant dont la bougresse avait choisi la station.

Nous mangions aux cuisines et le repas était ponctué par la sonnette de Mâdame, qui trônait, avec ses deux fils, dans une des salles à manger. Corinne se levait, au garde-à-vous et filait satisfaire (péniblement!) aux caprices culinaires de la petite famille. Quelques instants de solitude salvatrice, en pointillé.

En plus de l'entreprise familiale, Mâdame possédait un élevage de Saint Bernard, ces mastodontes faits pour le secours en montagne. Mais ceux-là étaient élevés pour les concours, ils avaient des patronymes bien plus longs que leur maîtresse, tous de haute lignée et ne mangeaient que des poulets: l'entreprise de Mâdame faisait dans l'abattage et le conditionnement de poulets par millier, de ces volailles dont vous pouviez, en vous forçant un peu, manger les os.

C'était un nom célèbre, à l'époque, on ne mangeait quasiment qu'eux. La boîte a été rachetée, il y a bien longtemps.

Donc, au menu: poulets. Tous ceux qui avaient passé la date de péremption et que l'on entassait dans de vieux frigos à proximité des chenils. Le premier jour, c'était à peu près supportable, mais les bestioles gonflées à bloc par d'étranges aliments empestaient très vite la charogne. Inutile de dire qu'il m'incombais de nourrir les chiens. Surtout ne pas oublier la combinaison, le Saint Bernard ça bave! je ressortais des chenils, écoeurée et couverte de bave, de la tête aux pieds.

Mâdame m'avait à la bonne, donc, et décida qu'il était tant de parfaire mon éducation en m'emmenant à un grand concours de clébards. Elle avait surtout besoin d'un larbin pour lui tenir l'un des deux chiens qui allaient être présentés.

Je n'avais pas eu le choix et montait donc, à contre-coeur, dans une mercédès rutilante, traînant crânement une remorque de première classe pour nos deux stars. Au volant, les cheveux libérés de l'éternel chignon qu'elle portait au Domaine, Mâdame avait adopté une tenue digne de l'évènement: cuir de haut en bas; veste cintrée ouverte sur un sous pull moulant dévoilant moultes bourrelets, pantalon sur mesure, sans aucun doute, bottes cirées à talons bien trop hauts pour cet échassier vaguement rouquin, et le tout était noir, sans doute dans le soucis d'élancer un  peu la silhouette.

Je ne sais plus au juste où nous nous rendions, mais la route fut longue et l'arrivée....triomphale!!!

                                                                                                                                à suivre...

Publicité
Publicité
Commentaires
E
Dès que j'ai lu ton titre, Brel s'est imposé... et je me suis imposée une pause musicale en sa compagnie. Cela faisait longtemps, longtemps que je ne m'étais pas accordée un petit plaisir ... <br /> <br /> Plaisir doublé par ton récit. Et encore je pense que tu aurais pu pousser certaines phrases à la caricature pour que l'on partage toutes les duex ces éclats de rire qui font tant de bien au moral.<br /> <br /> J'aime te lire ainsi. Ainsi va la vie... souriante ce soir et dans l'attente de la suite : je reste fidèle au poste et te souhaite une soirée rayonnante !
Répondre
les mots de MEL
  • "De deux choses Lune, l'Autre c'est le Soleil." JACQUES PREVERT. Amoureuse des mots, ne peux vivre pleinement qu'au travers de ceux-ci, qu'ils soient littérature, théâtre, cinéma, réels, imaginaires, pourvu qu'ils fassent vibrer l'âme et la nourrissent.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Publicité