CHRONIQUE D'UNE VIOLENCE CONSENTIE
Ils étaient les amis rêvés, plus âgés, plus friqués, sympas et bons vivants...mes parents et eux étaient inséparables et je les aimait comme si ils étaient de la famille, tant et si bien que je leur donnait du "tonton et tata"...
Ils avaient deux grands fils, plus âgés que moi, et un petit dernier dont j'étais la nounou attitrée quand ils sortaient, et il sortaient souvent.
Bref, j'étais souvent chez eux, presque leur fille, puisqu'il avaient perdu une enfant très jeune et qu'il parait que je lui ressemblait.
J'étais une enfant câline et réservée, et j'ai toujours aimé sans compter les gens qui avaient su m'apprivoiser, j'aimais donc cette famille d'adoption et me sentais chez eux comme chez moi.
Je devais avoir un peu plus de douze ans, ça faisait bien quatre ou cinq ans que ce couple était rentré dans ma vie, et voilà qu'ils déménageaient près de Bordeaux. j'avais le coeur serré parce que je savais que je n'allais plus les voir aussi souvent, que je ne garderai plus Olivier, que je ne mangerai plus de noisettes en automne dans le parc de la grande maison, que je ne verrai plus les écureuils malicieux les chiper sous mon nez. j'etais triste et en même temps excitée à l'idée d'aller passer des vacances dans la nouvelle demeure, la piscine, les "cousines", le soleil...
Ils avaient déjà migré dans la nouvelle maison, ne restaient que quelques meubles à récupèrer et c'en était fini.
Il est venu me chercher un soir, sa femme était déjà partie. "Je pars demain matin, je l'emmène avec moi, quinze jours de vacances..."j'avais bondi à travers la pièce sans plus écouter, m'étais précipitée dans ma chambre pour faire mon sac, surtout ne pas oublier le maillot de bain.
Arrivés chez lui, la maison était quasiment vide, c'était étrange et presque angoissant. Il m'a simplement dit quelque chose du genre: "il n'y a plus que mon lit, tout le reste a été embarqué, c'est pas grave, on va dormir ensemble...J'avais fais un tour à l'étage, par curiosité, il y avait encore la chambre d'un des garçons, le lit, la table de chevet, l'armoire, tout.
Je suis restée un moment pétrifiée, une sensation de froid terrible, je m'en souviens parfaitement. J'avais beau me dire qu'il n'y avait rien de louche, je ne pouvais m'empêcher de penser que tout ça n'était pas normal. Je me sentais coincée et je n'osais rien dire, je finissais par croire que j'étais tordue d'imaginer un quelconque piège, je crois que j'avais honte. Je me suis couchée tout au bord du lit, pelotonnée dans mon grand tee-shirt, impossible de dormir...puis je l'ai entendu glisser vers moi, j'ai senti son corps se coller contre le mien, son bras se glisser autour de ma taille, sa main étreindre mon ventre...c'était comme si la mort elle-même m'avait prise, je n'existais plus; d'ailleurs, je suffoquais, sentant son souffle dans mon cou. Après quelques secondes qui m'ont paru une éternité, j'ai glissé, millimètre par millimètre, jusqu'à me trouver hors du lit, j'étais trempée de sueur, haletante, épuisée. J'avais si peur qu'il ne bouge, qu'il vienne me rechercher au bord du lit. La nuit est passée ainsi sans que je puisse ni bouger, ni dormir. Au matin, il s'est levé sans mot dire, je ne sais plus comment j'ai pu reprendre le cours de ma vie..Quinze jours se sont écoulés, j'ai fait semblant, à qui parler?qui me croirait?je n'ai pas imaginé un seul instant que l'on puisse croire à mon histoire, j'ai même parfois douté qu'elle me soit arrivée, juste pour pouvoir fermer les yeux. Je ne l'ai quasiment pas vu, il avait du travail et se gardait bien de se retrouver en ma présence.
Retour à la maison. J'ai mis du temps à parler à ma mère, elle voyait que quelque chose clochait. Et puis j'ai fini par lui dire. Elle n'a rien fait pour moi, il fallait garder le silence, papa ne supporterait pas, elle LUI parlerait, lui demanderait des comptes. Il a prétendu, en toute bonne foi, avoir probablement rêvé être auprès de sa femme, il a pleuré, le pauvre. Alors il a fallu que je me taise à jamais, qu'y avait-il d'anormal à mettre une gamine de douze ans dans son lit?
Bien-sûr, j'ai eu de la chance, il ne m'a pas violée, c'est donc ça qu'il aurait fallu que je pense? et qu'aurais-je pu faire, si il avait insisté?
J'enrage d'avoir été trop seule pour me défendre, trop petite pour oser crier, j'enrage que ce genre d'histoire soit encore et toujours aussi banale, qu'elle conduise ou non au viol.
J'enrage d'avoir été un jour, comme tant d'autres, une proie facile pour un mâle barbare qui s'est imaginé en droit de poser sur moi ses mains corrompues, son corps fané, et surtout d'avoir cru que je pourrais consentir. Sans que personne jamais ne lui demande réparation. Il est mort, aujourd'hui.