Où est le Bien, qui est le Mal?

Un résumé simpliste pour un film beau à vous couper le souffle. Le genre de film qu'on aime ou qu'on quitte, dès les premières secondes, et bien sûr, j'ai de suite succombé, le mot convient.

Inutile de chercher à distinguer les mots qui échappent chichement aux personnages taiseux, leurs regards parlent au-delà de tout mot...et ils ont tous de vraies "gueules", de celles qui ne laissent pas indifférent, qui interpellent.

Un homme, petit et presque difforme, SDF de surcroît, erre au milieu des dunes et des maraîcages de la Côte d'Opale, qui est en soit un personnage à part entière. Le vent tient le récit en haleine du début à la fin, nous obligeant à tendre l'oreil et à redoubler d'acuité,tant les scènes sont filmées soit en cadre étroit, soit de très loin. L'imagination est la meilleure alliée de l'histoire, chacun y voit ce que son esprit glane avec le vagabond.

Un village exsangue, des petites gens fermés à double tour dans leur silence et l'austérité qu enveloppe tout. Le Mal guette, mais où, qui est-il, au juste?

Pauvreté d'esprit et superstition font bon ménage et cet homme au visage christique pourrait être l'Ange Rédempteur que certains attendaient.

Une étrange jeune femme de noir vêtue, violée par son beau-père, s'attache, comme un disciple amoureux, à cet homme mystique dont même la violence justifie sa foi peu commune.

Il est aussi l'Ange -gardien de la noire demoiselle, dont il abattra froidement le bourreau, sans bruit ou presque, le vent excepté, le vent recouvre tout, excuse tout exauce tout...

Les gros plans de ses mains, tendues vers la beauté brune, ou rassemblées dans une prière silencieuse vers chaque nuance d'un paysage sublime, font penser à un tableau de Michel-Ange, comme les plans serrés de son visage aux traits parfois brutaux et rustres, mais aussi si proche de l'imagerie du Christ.

J'ai parfois pensé à "Sous le soleil de Satan", car ici aussi rien n'est simple, et le Bien et le Mal se confondent souvent, Bruno DUMONT ne tombe pas dans la vision simpliste de la religion et de la foi, pas d'orientation, pas de code, rien n'est foncièrement prévisible et j'ai aimé être sans cesse surprise par ses propositions.

La jeune disciple, protégée jusqu'au meurtre par l'Ange au charisme ambigu, est elle aussi faite de multiples facettes, tantôt belle et mystérieuse, tantôt presque laide, le visage tordu au vent, perdue dans ses contradictions.

Ces deux-là n'ont pas de remords, seule la nature meurtrie éveillera en la belle une émotion violente, mais l'Ange Noir fait aussi des miracles et la voilà qui marche sur l'eau, et voilà qu'une enfant possédée est guérie, on interprétera comme on veut la séance d'exorcisme.

Une randonneuse surgie de nul part détonne au milieu du silence pesant, mais apaisant. Elle parle fort, c'est le seul personnage dont on entend distinctement la voix, criarde, vulgaire.

Un visage barbare, une bouche immense et malsaine, j'y ai vu un homme pervers, une vieille femme,une sorcière, chacune de ses expressions faisait apparaître un nouveau personnage. Pour moi, elle est le Démon, le Diable tentateur.

La fin est somptueuse, je ne la révélerai pas, mais sa mission accomplie, le vagabond reprend la route et on ne doute pas qu'il trouvera en chemin de quoi pourfendre, à sa façon, la misère du monde.

Un film de Bruno DUMONT, ambitieux, audacieux, dont l'intensité vous questionne et vous fait vibrer, du vrai cinéma!!!

Vu sur Canal cinéma le 26 octobre.

l'Homme: David DEWAELE

la jeune femme: Alexandra LEMARTRE

"HORS SATAN"

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