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les mots de MEL
1 février 2007

L'échappée bêle (suite)

MISTRAL GAGNANT.

Le sommeil nous a pris comme nous prend le désir : il a laissé nos corps anéantis, les a éteints sans crier gare et nous voilà entrelacés dans la nuit absolue.

Nous avons sombré ensemble, comme des bienheureux que nous sommes, fatigués par ces heures passées dans le froid, au beau milieu de nul part, seuls.

Chacun son troupeau, quelques kilomètres nous séparent, la même journée à raconter, nos vies sont jumelles, parfaitement accolées.

C'est l'hiver, nous happons, comme nos bêtes, des goulées de froidure, cloués au sol par nos capes chaudes mais si lourdes, alors que les brebis semblent si légères sous leurs toisons épaissies...

Plus tard, dans les limbes du sommeil, je perçois un son tenace, une vibration qui s'emplifie et me réveille.

La cabane tremble et gronde sous les ronfles de vent qui s'engouffrent de toutes parts, pénètrent ma tête et mes os...il est de retour, le chien errant, le maudit; il nous avait laissé quelques jours de répit, on n'en parlait pas, de peur de l'attirer, nos conversations tournaient délicatement autour du temps, sans s'appesantir sur l'absent.

Mais le voilà qu'il revient en force, bien plus mordant qu'à l'habitude;rien ne l'arrête sur ces terres de Crau, il est le maître absolu, le prédateur qui rend fous bergers et troupeaux...je ne dormirai plus.

Au matin, la cabane est glaciale, le feu est mort malgré mes allées-venues nocturnes autour du poêle, on grelotte autour d'un thé et puis il faut sortir, chacun de son côté.

A l'ouverture des portes, les bêtes folles m'échappent. Elles courent, entêtées par la bise, furies blanches en cavale.Moi derrière, le corps luttant contre la force du vent, je me débat avec ma cape qui fouette mes jambes, comme pour me punir de n'être pas à la hauteur...

Quelques agnelles étonnées par la force de ce nouvel élément se prennent à jouer avec lui et lèvent la croupe en courant; Et l'on va ainsi jusqu'au pré, brebis en tête et moi qui caracole tant bien que mal en hurlant des ordres aux chiens qui n'entendent rien à mes cris tant le mistral rugit.

Finalement calmées par l'appel de l'herbe, mes blanches garces se posent enfin, mais restent tout de même en alerte et cavalent par vagues, appeurées par tous les bruits amplifiés.

Pour manger, je me cale dans le fossé, les chiens viennent ajouter leur chaleur et ma cape devient une superbe couverture pour tout le monde. Je suis affamée, ce repas est un festin, je le partage mentalement avec toi, toi qui aime tant le vent, toi qui est né avec et qui me nargue quand je t'explique que je hais le mistral!

Le soir venu, mes furieuses enfin repues, je met tout le monde au chaud dans la paille fraîche et m'en retourne dans ma cabane froide; elles sont mieux logées que nous, nos blanches...

Je n'aurai le courage de faire qu'une soupe, le fromage nous tiendra jusqu'au lit. Puis nous nous coucherons enfin au chaud, entrelacés dans la nuit absolue...à suivre

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Commentaires
C
Je crois que j'en ai l'idée, en effet, mais je ne sais pas si j'en suis vraiment capable. Alors ton "billet" me donne du courage. Par contre, je suis honteuse d'avoir tout envoyé d'un bloc, sans me relire, il y a des fautes inqualifiables!
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A
Ecris-tu un livre? <br /> En tout cas, je sens, je vois, j'ai froid avec toi...c'est bon signe tu embarques le lecteur!<br /> Amicalement<br /> Any
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les mots de MEL
  • "De deux choses Lune, l'Autre c'est le Soleil." JACQUES PREVERT. Amoureuse des mots, ne peux vivre pleinement qu'au travers de ceux-ci, qu'ils soient littérature, théâtre, cinéma, réels, imaginaires, pourvu qu'ils fassent vibrer l'âme et la nourrissent.
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