l'échappée bêle...suite
Plus que quelques jours avant qu'ils ne quittent les quatre murs où ils sont nés pour goûter enfin l'herbe fraîche...
Le premier jour, c'est de la terreur pure: les mères, avides, se précipitent au-dehors, oubliant un instant leur progéniture, trop gourmandes de cette verdure dont l'hiver les a privé. Elles se précipitent sur chaque bouchée trouvée en chemin, ivres du goût de l'herbe enfin retrouvée, courent à tout va, stupides, ne sachant où donner de la bouche, le mourre barbouillé de vert, elles déraisonnent au soleil,mes belles idiotes...puis, d'un coup d'un seul, la vague s'en retourne, affolée, vers la bergerie où les agneaux sont restés, apeurés par ce grand espace vide, ces couleurs inconnues. Quelques aventuriers tentent une sortie maladroite, leurs mères sur les talons, prennent peur et s'en retournent en courant, pourchassés par une ombre, un souffle de vent, une feuille qui virevolte, tombée d'un cerisier en fleurs...
La première sortie des blanches n'aura duré qu'une heure ou deux, elles ont faim et il faudra bien mettre les agneaux au diapason de leurs envies...
Les jours suivant, sous la pression des mères, ils finissent par suivre, d'abord sur quelques mètres, puis aprés quelques aller-retours endiablés partent au loin en bêlant ou renoncent, épuisés, et s'endorment sur place, là ou leur bravoure les a portés, une fleur à la bouche...
Dans deux mois, quand ils croirons tout savoir du goût de l'herbe et de l'étendue de leur territoire, ils monterons sur l'estive et il leur faudra à nouveau tout redécouvrir, les paysages, les senteurs, les saveurs uniques de l'alpage, du bonheur, quoi!
à suivre...