Mel Ancolie
Je n'ai rien vu venir...
Comme tout le monde, je lui ai dit de se secouer, de se reprendre, les mots qu'on m'avait déjà dits tant de fois, ces mots qui font si mal quand justement on est incapables de réagir au mal-être profond qui vous envahit et vous met à terre, sans une once de volonté.
je n'imaginais pas que ça puisse lui arriver, à lui, mon pois sauteur si ouvert, si vivant, si séduisant...j'ai cru à de la paresse, puis à de la fronde, et il s'est fermé, totalement...les portes qui claquent, les larmes qui coulent sans raison apparente, le silence, le regard vide et l'assiette pleine, les nuits qui vous engouffrent comme un puits béant, les yeux grands ouverts sur la terreur des heures stagnantes.
Et moi qui crie, qui crise, qui refuse de comprendre, comme tous les profs , qui lui collent des zéros et des rapports à tout va parce qu'il rend copie blanche à un devoir dont il sait le contenu par coeur...
Je m'en veux d'avoir tardé à ouvrir les yeux, de n'avoir pas été la première à mettre un mot sur ses maux.
En larmes dans le bureau du CPE, en larmes au milieu des profs, je me répand, je ne maîtrise jamais mes chagrins, aucune dignité, mais je lis dans les yeux de tous ceux-là la compréhension et la culpabilité partagée.
Quelques séances de pédo psy plus tard et les mots se libèrent au milieu des sanglots, si durs, si douloureux, si violents pour lui même, mais si libérateurs. Ce presqu'ado, cette encore enfant qui dit sa peine avec des mots d'adulte se blottit dans mes bras, libéré de ses démons.
je reste vigilante, les profs l'encouragent dés le moindre effort, il recommence à croire en lui, doucement.
Il me pousse dans le coeur une fleur pour recueillir les larmes de mon fils et les rendre perles de rosée, elle est si grande qu'elle absorbera toutes les peines, cette ancolie...