Théâtre? vous avez dit théâtre?
Je me suis sentie vivante, forte de ma fragilité, soudée au corps des mots qui m'envahissaient par vagues fidèles, sans jamais me lacher. J'ai tout aimé, tout. Affronter des moments de médiocrité, palper la tension échangée entre nos regards, les cris, les rires, oui beaucoup de rires, les colères, contre soi, d'abord, contre l'autre, parfois. Les impros qui partent en vrille ou montent en émotion jusqu'au bord des yeux. Les textes découverts et mis à nu par nos âmes guidées. C'est toi qui nous a donné et nous t'avons, à notre tour rendu, par la justesse du ton, la précision de la phrase, la clarté d'un sentiment. L'Amour se donne, se prend, communique, embrase, appaise, guide, rassure...cet amour-là...L
Tout, sauf modelés. Apprivoisés, éveillés, réveillés, nos corps entiers à l'écoute de l'autre, union sacrée faite d'acharnement à demander ou vouloir le meilleur. Comme j'ai aimé ces moments, les répétitions dînatoires dans des locaux improbables, ces théâtres dans les ruelles chaudes et colorées, ou nous jouiions, le coeur battant, sur des scènes parfois minuscules, l'odeur de nos angoisses mêlées dans la loge, foutu fatras de guenilles multicolores. Et l'on se serrait fort, avant la levée du rideau, pour se rassurer. Cette étreinte disait: je ne te lacherais pas, tu peux compter sur moi, et ça marchait.
Rien de sérieux, il est vrai, jamais je ne serai une "commédienne", mais toujours une passionnée du mot dit.
Alors voilà, après cet hommage vibrant à une prof, des profs, extraordinaires, et de vraies commédiennes, et dont je reconnais que, sans le savoir, elles m'aidèrent, bien au-delà de l'imaginable, je tourne aujourd'hui la page.
Enfin, le livre s'ouvre bien quand il veut...j'ai voulu reprendre mon activité chérie, pour retrouver des sensations perdues. Nouvelle vie, nouveau pays, nouvelle Compagnie. MAIS!
Me voici confrontée à l'amateurisme dans tout ce qu'il peut avoir de caricatural.
Premier cours, première impression: un ogre barbu à queue de cheval grise et ventre gargantuesque nous accueille, sourire et bras ouverts. Comme toujours, essentiellement des femmes, tous âges confondus, un rigolard épais qui a déjà tout vu...et une bande conséquente de handicapés mentaux, venus du CAT voisin, aïe...pas prévenue, déjà bien assez chargée pour avoir à porter ce genre de "débutants". Je sais, ça n'est pas politiquement correct, mais il y a quand même des limites à l'ouverture à l'autre, surtout si vous avez affaire à une huître, ce qui est, hélas, le cas!
Nos amis vont rester un moment, nous annonce R, très naturel. En fait, les éducateurs les lachent, et nous voilà tout de go à se taper des impros (bables) avec des "gamins" ingèrables, incompréhensibles pour la plupart, ne comprenant aucune consigne, pour la totalité.
J'ai eu tout de suite l'horrible sensation de regresser, de ne pas être à ma place, d'avoir fait la super connerie!
J'ai essayé de persister, nous avons finalement quatre pensionnaires à plein temps, mais c'est telllement pathétique qu'on ne sait plus si il faut en rire ou en pleurer, et pleurer, j'en ai marre!
R m'a octroyé pour un sketch (faut voir le niveau des thèmes choisis!) un partenaire dont je n'avais pas encore décelé le réel handicap, il semblait presque "normal" (je hais ce mot!!!), en dehors du fait qu'on ne l'entendait que rarement. J'ai vite trouvé: il a la mémoire d'un poisson rouge, le bienheureux, je le qualifie ainsi car vu ce qu'il a vécu, il vaut mieux qu'il en soit ainsi. Bref, impossible de lui faire retenir le plus primitif des scénarios, et du coup, un grand moment de solitude sur scène, devant mon J, la bouche grande ouverte, niant toutes mes affirmations, et me laissant finalement jouer seule les deux personnages. R., notre PROF, ne s'est rendu compte de rien.
En fait, je ne raconterai pas tout, mais je suis triste, triste pour eux qui ne savent même pas ce qu'ils font là, pour les autres, qui n'ont pas de recul et sentent bien qu'il y a quelque chose qui cloche, pour cet Ogre déchu, qui n'a de culture théâtrale qu'à travers internet et sa femme qui nous a refourgué une pièce pourrie. Et puis aussi triste pour moi, mon égo déjà bien racrapoté qui me dit que je suis tombée bien bas. je n'irais pas au prochain "cours", si je trouvais le soutien et l'énergie, je crois que je préfèrerai en donner...