SPlEEN
j'avais, il y a quelques jours encore, les pieds fichés dans la terre lourde et grasse, et je me sentais grandie par l'horizon, campée, droite sur mes jambes. Qui eut dit de moi, enfant, que j'étais une terrienne?
Une rêveuse, sans aucun doute, une rêveuse toujours, mais une terrienne...
Le ciel était bien plus lumineux qu'en été et il faisait plus doux aussi.
J'ai humé l'air, goulûment, chaque jour; j'aurais voulu plus de temps, plus de solitude, plus de contemplation; j'aurais voulu que ça ne finisse pas, poser enfin, vraiment, mes valises. Mais non, ce n'était qu'une parenthèse de deux semaines qui m'a glissé entre les doigts, mes souhaits et mes rêves sont restés sans emprise sur les jours qui s'égrenaient, immuables.
J'ai possédé, secrètement, du regard, tout ce qui m'avait échappé à la première apparition de cette belle bâtisse, de ces terres paisibles, de ce paysage si doux à côté de mes reliefs abrupts et secs. J'aurais voulu aller plus loin, être libre de découvrir les recoins inconnus, comme mon fils est parti conquérir la cabane, dans le petit bois.
Mais je suis encore étrangère à tous ces trésors que je scrute à la dérobée, pas encore chez moi, déplacée,les racines à nu.
Je sens que toi aussi tu voudrais sortir du carcan de la visite, de l'embarras de l'invitation, hurler "j'arrive"!...
Le dernier jour, embrasser les lieux en silence, surtout ne pas se retourner, consommer l'adieu, non, l'au revoir!
En passant devant Murat, j'ai eu une pensée pour Briscard, un clin d'oeil au cousin d'Auvergne!